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Takuya Wada et la communication par l’image : l’Entretien ( juillet 2024 )
Nous avons eu le plaisir de rencontrer M. Takuya Wada lors de l’édition 2024 du festival Japan Expo.
Connus pour son travail d’animateur, M. Wada est ce que l’on pourrait décrire comme un passionné et un touche à tout. Il a, par exemple, laissé de côté sa carrière dans l’animation au début des années 90 pour devenir artiste d’effet spéciaux à Hollywood ou bien encore réaliser des making of de films.
C’est avec ces connaissances en tête que Blackjack et Thundergeek ont été à la rencontre de M. Wada en esperant en apprendre plus sur son parcourt hors norme. Le resultat est cette interview ou le réalisateur de Violence Jack : Hell’s Wind se confie sur ce qui le pousse à continuer l’animation et à transmettre son savoir aux jeunes générations.
interprétariat : M. Pierre Giner
Interview : Thundergeek & Blackjack
Transcription : Thundergeek
Transcription de l’interview
Vous avez eu l’opportunité d’apprendre votre métier dès le lycée auprès de grands noms de l’animation tels que Ōtsuka Yasuo ou Miyazaki Hayao. Pourriez-vous nous parler de ces expériences formatrices et de ce que vous avez retenu d’eux ?
T. Wada : S’il y a bien quelque chose qui m’a marqué chez eux, c’est leur niveau de professionnalisme. Lorsque je les voyais animer des personnages, on ne pouvait être que éberlué par la qualité et par le sens du dessin et de l’animation. Je me suis dit que si je comptais faire carrière dans ce milieu là, il fallait que je devienne meilleur. Alors j’ai travaillé encore et toujours plus, mais je ne sais pas si je suis devenu meilleur (rire).
Mais vous savez, je pense que le même phénomène se produit quel que soit le milieu. Si un gamin voit un pro du baseball frapper la balle à plusieurs centaines de mètres, il va trouver ça incroyable et va avoir envie de le reproduire. Il va donc aller s’entraîner dans un batting center(1) pour arriver à le faire lui-même.
Vous commencez votre carrière dès le lycée en travaillant sur Lupin III en tant qu’intervalliste(2). Comment cette première expérience a-t-elle influencé votre parcours professionnel et votre vision de l’animation ?
T. Wada : Avant même que je ne commence à travailler dans l’animation, rien qu’en regardant la télévision, je me suis rendu compte du nombre de dessins importants qu’il fallait faire (rire). Je ne sais pas si vous le savez, mais dans les films occidentaux, par exemple ceux du studio Disney, l’animation se fait à 24 images par seconde, c’est-à-dire 24 dessins par seconde.
Au Japon, pour des questions d’économie de temps et d’argent, on réfléchissait tous à combien de dessins il fallait pour faire 1 seconde d’animation sans qu’elle ne soit saccadée et que le mouvement reste relativement fluide. Mes aînés sont tombés sur un consensus de 8 dessins par seconde mais il faut quand même constamment réfléchir à comment les dessiner pour que la fluidité du mouvement n’en soit pas impactée.
C’est un des grands challenges du travail d’animateur au Japon : comment faire de l’animation “limitée” tout en montrant qu’elle ne l’est pas tant que ça.
À seulement 20 ans vous devenez directeur de l’animation sur la série Dorvack avant de continuer sur d’autres projets cultes des années 80 comme Hokuto no ken ou Patlabor. Quels défis avez-vous rencontrés en prenant de telles responsabilités à un si jeune âge ?
T. Wada : Comme vous l’avez dit plus tôt, j’ai commencé dans l’animation en tant qu’intervalliste, ce qui fait que j’avais déjà des bases solides quand je suis passé directeur de l’animation. J’ai donc demandé à mes aînés ce qu’il était important de corriger dans les dessins de mon équipe afin de fournir des œuvres qui marqueraient le spectateur. Ils m’ont dit que, dans l’ordre, il y avait évidemment le visage et surtout les yeux, puis le corps et enfin les mouvements en général. Le but n’était évidemment pas de repasser sur chaque dessin, mais de comprendre et de corriger uniquement ce qui permettait d’obtenir un résultat satisfaisant à mes yeux.
Prenez par exemple une scène d’action où un personnage donne un coup de poing. Je regardais le dessin de l’animateur où la pose du personnage donnait quelque chose comme ça (M. Wada tend son poing vers nous à environ un mètre). Mais en regardant le storyboard, j’ai compris que ce n’était pas les intentions du réalisateur et que ça manquait d’impact, alors j’ai corrigé le dessin de cette manière (M. Wada approche son poing beaucoup plus près de nous).
Le but de cette correction, en plus de respecter la vision du réalisateur, était d’avoir plus de dynamisme et d’apporter une vision dramatique, et pas uniquement esthétique, à la scène. Faire ce que l’on appelle de la mise en scène.
Votre première réalisation est la troisième et dernière OAV (3) de Violence Jack : Hell’s Wind. Comment avez-vous abordé cette œuvre en tant que suite et en tant que réalisation unique ?
T. Wada : Comme vous venez de le dire, il y a eu 3 OAV. La première, Harem Bomber, fut réalisée par M. Kamijō Osamu, tandis que la deuxième, Evil Town, fut réalisée par M. Itano Ichirō. J’ai pu œuvrer sur cette dernière en tant que character designer et directeur de l’animation. A la fin de la production de Evil Town, M. Itano m’a dit “Pour le troisième épisode, tu vas tout faire !”.
J’avoue que j’ai été un peu surpris au début, mais très vite je me suis rassuré en me disant que j’avais déjà des rails de posés, à savoir l’épisode 2, et que je n’avais qu’à continuer l’histoire et la finir. J’avais déjà les chara-design de pas mal de personnages, l’intrigue était déjà écrite et j’avais toutes mes connaissances en tant que directeur de l’animation. Je me suis donc mis au travail en ayant un peu plus de casquettes que d’habitude et c’est comme ça que j’ai pu réaliser Hell’s Wind. Au final, c’est probablement l’œuvre la plus importante de ma carrière, car c’est celle sur laquelle j’ai cumulé quasiment tous les postes.
Vous avez fait le choix en 1990 de vous rendre aux États-Unis pour apprendre les techniques de maquillage et d’effets spéciaux à Hollywood. Qu’est-ce qui vous a motivé à explorer ce domaine et comment ces compétences ont-elles influencé votre travail par la suite ?
T. Wada : Pour être tout à fait honnête, mon désir initial n’a jamais été d’être animateur, c’est un concours de circonstances diverses qui m’a amené à le devenir. Lorsque j’étais enfant, je regardais bien évidemment des anime, mais je regardais également beaucoup de séries télé de type Tokusatsu(4) et de films, et mon rêve était de devenir réalisateur de cinéma. J’ai étudié les films mais je me suis tourné vers l’animation et ma carrière fut lancée.
Mais au début des années 90 a débuté la grande période des OAV. L’animation japonaise connaissait un boom économique important et il fallait donc produire énormément de contenu, et ce à tout prix. A partir de là, j’ai commencé à trouver que la qualité des productions devenait très inégale et je ressentais une lassitude dans mon travail. Je me suis alors souvenu de films comme Alien ou Star Wars, de mon rêve de faire du cinéma et de devenir le disciple de quelqu’un comme Spielberg.
J’ai donc pris la décision de partir aux États-Unis même si, pour ne rien vous cacher, j’aurais pu partir depuis bien longtemps. C’est cette baisse de qualité dans la production d’anime qui a été l’élément déclencheur de mon départ. Mais je ne suis pas parti de zéro non plus, car j’avais déjà appris au Japon à faire des Tokushu Make (5), ce qui m’avait été très utile pour faire des références dans Violent Jack !
En ce qui concerne mon expérience aux USA, j’ai eu du mal à me faire comprendre au début, surtout que mon anglais n’était pas celui d’aujourd’hui. Je me faisais donc comprendre via le dessin. L’avantage de cette méthode, c’est que l’on peut faire passer ses intentions sans que personne, même le personnage, ne parle. Le réalisateur voyait cela et comprenait, par exemple, quel objectif utiliser. Au final, mis à part que je pensais la mise en scène pour des acteurs et non des dessins, ma base de réflexion restait la même, et c’est en ça que j’étais heureux d’avoir travaillé auparavant dans l’animation.
Vous avez partagé votre savoir en tant que conférencier au Yoyogi Institute of Animation pendant 25 ans et l’avez dirigé pendant 6 ans. Quelle est l’importance de transmettre vos connaissances aux jeunes animateurs et quelles évolutions avez-vous observées dans l’industrie de l’animation au fil des ans ?
T. Wada : Je pense que l’évolution la plus importante et ce qui fait que la manière d’enseigner les choses a changé drastiquement, ce sont les réseaux sociaux. Aujourd’hui, vous avez des couples qui sont au restaurant mais qui ne se parlent pas et sont sur leurs téléphones, ou des familles dont les enfants jouent à la console pendant que les parents sont rivés sur leurs écrans. Nous sommes en train de perdre le concept de communication et de transmission de l’adulte qui apprend des choses à l’enfant, de l’aîné au plus jeune, etc.
C’est selon moi une perte qui est très dommageable pour la société, parce que les gens ne communiquent majoritairement plus que par l’écrit, et ne transmettent plus visuellement ce qu’ils ressentent, ces petites nuances qui ne peuvent s’expliquer tant par des mots que par des mouvements d’œil, par les mains, par des mimiques ou encore des moues de la bouche.
Lorsque je me suis retrouvé à être le directeur de l’institut Yoyogi pendant 6 ans, ça a été une très grosse charge de travail et une très grosse organisation. Il y avait des antennes de l’institut dans quasiment toutes les grandes villes du Japon, de Hokkaidō jusqu’à Okinawa. J’en ai beaucoup souffert physiquement, ainsi que d’un point de vue émotionnel, car j’ai dû arrêter toutes mes activités professionnelles pour m’occuper de cette école qui avait même instauré des “Séminaires Wada”.
Du coup, c’était important pour moi de transmettre ce que j’avais reçu de mes aînés quand j’ai démarré dans le métier. Quand bien même ce rythme de vie a eu un impact sur ma santé, j’ai pris sur moi parce que je trouvais que ce que je faisais était nécessaire. C’était important pour moi de le faire ! Donc après ma journée de cours, plutôt que de rentrer directement chez moi, j’allais au restaurant avec mes élèves, au karaoké, au bowling, etc. Car ce qui était important, c’est qu’il y ait cet échange là ! Au Japon, il y a un terme qui résume bien ma pensée : Nomunication, la communication par la boisson (rire).
Mais depuis le COVID, les soucis que je pointe se sont accélérés. Les gens sont plus souvent en télétravail et il n’y a plus de communication. On n’échange plus autant qu’avant sur les dessins des uns et des autres, ce qui permettait d’avoir un nouvel angle sur un personnage, une nouvelle approche, et de s’améliorer grâce aux conseils des uns et des autres. Aujourd’hui, les gens se sentent menacés par l’IA, qui commence à pouvoir s’occuper de diverses tâches à leurs places. Et ils ont raison, car tant que les gens ne feront plus le travail de communication et de transmission nécessaire, alors l’IA continuera à leur passer dessus et les remplacera à terme.
Et si je peux donner un dernier conseil pour les français qui veulent être animateurs, ou même tout simplement créateurs, ça serait celui-là : pleure beaucoup plus, rigole beaucoup plus, bats-toi beaucoup plus !
En faisant ça, vous pourrez créer des œuvres qui seront proches de vous, des œuvres en harmonie avec ce que vous ressentez et surtout des œuvres humaines ! Soyez quelqu’un qui contrôlera la machine par votre savoir et vos connaissances propres plutôt que quelqu’un qui se laissera “ordinateuriser” !
Merci Beaucoup M. Wada !
Notes
1 Le batting center ou batting cage est un lieu d’entraînement au baseball où une machine envoie des balles directement sur le joueur pour qu’il puisse se divertir ou s’entrainer.
2 L’intervalliste est un animateur dont la tâche est de dessiner les images dites “intermédiaires” qui se placent entre les images dites “clés”, à savoir les images les plus importantes d’un mouvement.
3 Une OAV ou OVA (Original Animation Video) est une production anime destiné non pas au marché de la télévision mais à celui de la vidéo au format physique (VHS, puis DVD et Blu-ray de nos jours) ou numérique.
4 Le tokusatsu est le nom générique de toutes les productions vidéo japonaises qui utilisent des effets spéciaux. C’est le film Godzilla qui lança ce type de production en 1954.
5 Le Tokushu Make est un terme désignant les effets spéciaux au niveau du maquillage (masques, brulures, cicatrices, alien sortant d’un corps …)
Remerciement à toute l’équipe de Japan Expo et à Mr Giner pour l’interprétation.
Mangacast Omake n°127 – Décembre 2024 – Spéciale Reco de Noël 2024 !
Dans ce Mangacast Omake n°127, l’équipe vous propose son habituel top Manga et Anime de l’année passé !
Et une chose est sûre, il va y avoir du choix entre les titres plébiscités par le public et la critique ou les pépites peu mise en avant, la sélection est à l’image de la rédaction : éclectique !
Alors installez-vous confortablement pour cette émission de plus de 4 h remplis de rire, de débat et de dispute digne d’un repas de fêtes de famille de fin d’année. Mais ne serait-ce pas ça, la magie des fêtes !
Mangacast Omake n°127 – Décembre 2024 – Spéciale Reco de Noël 2024 ! est présenté par Thundergeek, Midine Emrys, Oshino & Amo.
Podcast: Play in new window | Download (Duration: 4:33:35 — 379.0MB)
Mangacast N°48 : 100 ans d’animation japonaise
Voilà 100 ans cette année que l’animation japonaise a commencé. Tout d’abord d’une petite animation sur papier de 5 minutes, puis vint le temps des chiyogami avant d’arriver aux cellulos aujourd’hui remplacés par l’informatique. L’évolution de ce support n’a eu de cesse de changer, se métamorphoser, que ce soit par les techniques mais aussi par les méthodes de diffusion. Au travers de nombreuses références et titres, nous allons revoir les grandes étapes qui ont mené l’animation japonaise à ce qu’elle est actuellement.
Atour de notre table nous accueillons trois invités spécialisés:
Marc Aguesse: Responsable du site Catsuka
Olivier Fallaix (alias Gotoon): responsable France du diffuseur Crunchyroll
Fabrice Renault: Traducteur et agent
Mangacast n°48 est présenté par Marcy, Kobito, Sedeto et Mr Culot.
Podcast: Play in new window | Download (Duration: 1:47:53 — 148.2MB)
Mangacast Omake n°43 : Février 2017
Dans ce Mangacast Omake n°43, notre équipe vous parle de MPD Psycho, La maison du soleil, Les Fleurs du mal, Le Couvent des Damnées, Shikigami, Perfect Crime, La femme serpent, Yuko, Masked noise, Dragon Head, Tribute to Otomo, Youjo Senki- Saga of Tanya the Evil, Your name, Kuzu no Honkai, et Miss Kobayashi’s Dragon Maid .
Plus de 2 heures d’émission pour partager, avec vous, nos conseils manga et animés du mois, l’actu du marché et tout ça dans la bonne humeur et les blagues vaseuses !
Mangacast Omake n°43 : Février 2017 est présenté par Marcy, Sedeto, Mr Culot, et Kobito.
Podcast: Play in new window | Download (Duration: 1:53:15 — 77.8MB)
Mangacast Omake n°42 : Décembre 2016
Dans ce Mangacast Omake n°42, notre équipe vous parle de Real Account, Virgin Dog Revolution, Ryuko, Somali et l’esprit de la forêt, Friends Game, L’île du temps, Pupa, Burning Hell, Love & Lies, Le mari de mon frère, Sun-Ken Rock, March comes like a lion, Keijo!!!!!!!!, et Yuri on Ice.
Plus de 2 heures d’émission pour partager, avec vous, nos conseils manga et animés du mois, l’actu du marché et tout ça dans la bonne humeur et les blagues vaseuses !
Mangacast Omake n°42 : Décembre 2016 est présenté par Kubo, Marcy, Sedeto, Swann, Mr Culot, et Kobito.
Podcast: Play in new window | Download (Duration: 2:19:46 — 96.8MB)
Mangacast n°42 : Spécial Naruto
Le manga Naruto de Masashi KISHIMOTO commence à paraître en 1999 dans le Weekly Shônen Jump de Shueisha. Dix-sept ans plus tard, le 72ème et ultime volume relié sort en France chez Kana. Longtemps numéro un des ventes de mangas, il aura durablement marqué le marché français de son empreinte.
En compagnie de Christel HOOLANS (directrice générale de Kana), Elodie ROMY (assistant éditoriale en charge de Naruto chez Kana) et de Nicolas DUCOS (directeur marketing de Kana), nous revenons sur ce shônen majeur au travers d’anecdotes et de souvenirs qui lui sont liés.
Mangacast n°42 est présenté par Swann, Kobito et Kubo.
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Mangacast Omake n°41 : Novembre 2016
Dans ce Mangacast Omake n°41, notre équipe chronique : Immortal Hounds, Perfect World, Dolly Kill Kill, La théorie de la relativité, Wizard’s Soul, Le Journal de Kanoko, Emerald et autres récits, Dead Dead Demon’s Dededededestruction, Gunnm, Golden Kamui One Piece Gold, et Magical Girl Raising Project.
Plus de 2 heures d’émission pour partager, avec vous, nos conseils manga et animés du mois, l’actu du marché et tout ça dans la bonne humeur et les blagues vaseuses !
Mangacast Omake n°41 : Novembre 2016 est présenté par Kubo, Mr Culot, Kobito et Marcy.
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